Ovide
Les métamorphoses d’Ovide, Livre X (Fable 3)
(v.143) Telle était la forêt que le chantre inspiré de Thrace avait attirée, et c'est au milieu d'un cercle de bêtes sauvages et de tout un vol d'oiseaux qu'il était assis. Quand il eut suffisamment, pour les essayer, fait vibrer sous son pouce les cordes de sa lyre et constaté, malgré la différence des sons entre elles, la justesse des accords variés qu'il en tirait, il préluda à son chant en ce termes :
« Muse, ô ma mère, inspire-moi des chants dont Jupiter soit le premier objet : l'empire de Jupiter passe avant tout. Souvent déjà, j'ai célébré le pouvoir de Jupiter, j'ai chanté, appuyant avec plus de force sur le plectre, les Géants et les victorieux effets de la foudre lancée sur les champs de Phlégra. Il nous faut maintenant, d'une touche plus légère, chanter les jeunes garçons aimés des dieux et le châtiment que des jeunes filles, égarées par une passion interdite, méritèrent pour leur dépravation. Le roi des dieux brûla jadis d'amour pour le Phrygien Ganymède, et il se trouva quelque chose que Jupiter préférât être plutôt que d'être ce qu'il était. Il ne daigne cependant se changer en aucun autre oiseau que celui qui pourrait porter ses foudres. Aussitôt, battant l'air d'ailes trompeuses, il enlève le fils d'Ilus. Ganymède encore aujourd'hui prépare les breuvages dans la coupe de Jupiter et, malgré Junon, lui sert le nectar.